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mercredi 28 janvier 2009

ENCADREMENT DU DROIT D'AMENDEMENT : LES NON INSCRITS S'EXPRIMENT

20 janvier 2009
Un principe fondamental menacé

Le débat, qui a eu lieu à l'Assemblée Nationale, sur le projet de loi organique nécessaire pour mettre en oeuvre la réforme constitutionnelle de juillet 2008, est à tous égards, paradoxal. Il oppose, en effet, deux conceptions :

- celle d'un gouvernement qui, sous couvert d'élargir les droits du Parlement, prétend encadrer dans le temps l'exercice du droit d'amendement – c'est-à-dire un droit essentiel puisqu'il permet à tout député d'exprimer ses idées de la façon la plus simple et la plus rapide.

- celle d'une opposition qui pour défendre ses droits, s'enferme dans une obstruction qui risque de servir, aux yeux de l'opinion, la thèse de ceux qu'elle prétend combattre.

Cette véritable impasse a, sans nul doute, des causes profondes.

Les causes tiennent à notre histoire et à notre culture politique qui, à la différence de ce qui se passe chez la plupart de nos voisins, nous conduisent malheureusement plus souvent à des situations d'affrontement, voire de provocation, qu'à une véritable recherche du consensus.

Les autres, plus récentes, résultent de l'évolution de nos institutions dans la mesure où le quinquennat a concentré des pouvoirs considérables entre les mains du Président de la République, sans établir de véritables contre-pouvoirs.

L'inflation législative fondée sur les effets d'annonce et sur la recherche permanente de la médiatisation est, elle-même, tout à la fois un élément de surcharge de l'ordre du jour parlementaire et d'incitation aux procédures d'obstruction.

Dans ce contexte, les dispositions destinées à encadrer le droit d'amendement sont à la fois illusoires et dangeureuses.

Illusoires, parce que, dans la pratique, cet encadrement sera source permanente d'incidents et deviendra rapidement inapplicable. Ce n'est pas par hasard que la réforme du règlement, engagée en 1969 par Jacques Chaban-Delmas, avec l'accord de tous les groupes politiques à l'exception du groupe communiste, avait fait disparaître un dispositif comparable qu'avait initialement prévu le règlement de 1959.

Illusoires aussi parce que l'obstruction se développera avec des instruments beaucoup plus sommaires que le droit d'amendement : rappels au réglements, suspensions de séance, scrutins publics à répétition, demandes de quorum. On a, à cet égard, imprudemment oublié que les demandes de quorum peuvent être soulevées aussi bien en commission qu'en séance publique.

Mais surtout dangeureuses, parce que cet encadrement placera les parlementaires entièrement sous la coupe des groupes politiques, qui décideront alors de la répartition des prises de parole sur le temps dont ils disposeront et qui pourront donner ou non, à un député ou à un sénateur, la possibilité de défendre des amendements.

Quant aux non inscrits, déjà évincés de tous les grands débats, sur l'Europe, sur la politique étrangère, sur la Défense, ou encore des débats sur les motions de censure, il ne leur restera plus qu'un temps dérisoire pour défendre leurs propositions.

Certes, certains groupes ont déjà instauré une discipline en ce domaine, mais c'est une discipline librement consentie par les parlementaires de ces groupes. Certes, également, les Parlements de certains pays voisins ont mis en place des dispositifs comparables, mais ces Parlements sont élus à la représentation proportionnelle et ont donc bâti leur système parlementaire autour des formations politiques.

Surtout, il serait naïf de croire que ce projet de loi n'a pour finalité que d'encadrer les débats et d'aménager quelques commodités pour l'exécutif. Car, en réalité, ce qu'il met en cause c'est un principe fondamental, celui du mandat représentatif et du caractère individuel de ce mandat qui veut que tout député ou sénateur soit détenteur d'une parcelle de la souveraineté nationale et qu'il puisse représenter, à lui seul, une minorité politique. Nous sommes convaincus que le Conseil Constitutionnel refusera la remise en cause d'un principe aussi fondamental et qu'au minimum, il adoptera une réserve interprétative pour préserver les droits de parlementaires qui puisent personnellement leur légitimité dans la confiance des citoyens qui les ont élus.

Nous reconnaissons volontiers que les débats doivent être organisés et que les manoeuvres d'obstruction ne grandissent pas forcément le prestige du Parlement. Mais ce n'est qu'avec un rééquilibrage beaucoup plus large, ne laissant plus la totalité de l'organisation du débat entre les mains de l'exécutif et des seuls groupes majoritaires – qui seront, au demeurant, seuls maîtres du futur ordre du jour partagé – ou plus largement, des groupes dominants de la majorité ou de l'opposition, que l'on y parviendra.

Signataires : M. Abdoulatifou ALY, Député de Mayotte, M. François BAYROU, Député des Pyrénées-Atlantiques, Mme Véronique BESSE, Député de Vendée, M. Nicolas DUPONT-AIGNAN, Député de l'Essonne, M. Daniel GARRIGUE , Député de la Dordogne, M. Jean LASSALLE, Député des Pyrénées-Atlantique, M. Dominique SOUCHET, Député de Vendée, M. François-Xavier VILLAIN, Député du Nord

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