« COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES | Accueil | Direct sur Radio-BFM : LUNDI 24 AOUT 2009 DE 10 à 11 HEURES »
jeudi 16 juillet 2009
Daniel Garrigue est interviewé par Euractiv: "Il faut avancer plus vite sur l'harmonisation fiscale".
EURACTIV: 16.7.2009
Co-auteur, avec Elisabeth Guigou (PS), d’un rapport sur la directive sur la fiscalité de l’épargne et la lutte contre les paradis fiscaux, le député (app. UMP) Daniel Garrigue estime que la situation de la Belgique, de l'Autriche et du Luxembourg, qu’il considère comme des paradis fiscaux, doit rapidement évoluer.
Quelles conclusions tirez-vous du rapport que vous venez de rédiger, avec Elisabeth Guigou?
Dans le phénomène des paradis fiscaux, il faut distinguer plusieurs aspects. D’abord, celui de l’«évasion fiscale» auquel on pense traditionnellement. Mais il y a aussi tout ce qui concerne la spéculation financière. Car ces paradis fiscaux sont souvent, également, des paradis financiers, avec une sous-régulation et une sous-supervision.
Et dans la crise financière, ils ont à cet égard joué un rôle beaucoup plus important qu’on ne le dit parfois. Le développement d’instruments comme les produits dérivés s’est beaucoup appuyé sur les paradis fiscaux, leur opacité, et les facilités qu’ils offrent en matière d’absence de régulation.
Troisième volet: le blanchiment d’argent, qui est considérable et ne cesse de progresser.
En quoi l’Europe est-elle directement concernée par ces paradis fiscaux?
A l’intérieur de l’Union européenne, trois pays n’ont pas voulu entrer dans le système d’échange automatique d’information sur la fiscalité de l’épargne: le Luxembourg, la Belgique et l’Autriche. En plus de cela, cinq pays sont vraiment des paradis fiscaux: la Suisse, Monaco, Saint-Marin, le Liechtenstein et Andorre. Et puis vous avez les Etats associés ou les territoires associés comme les îles anglo-normandes.
L’Autriche, le Luxembourg et la Belgique peuvent-ils être considérés comme des paradis fiscaux?
Oui. Dans la dernière liste dressée par l’OCDE, ils y sont assimilés. Pour caractériser les paradis fiscaux, il y a deux facteurs: le secret bancaire et le refus de communiquer des informations.
Le refus est plus ou moins fort suivant que l’on est en matière fiscale, financière ou pénale... Mais le secret bancaire est un premier élément très caractéristique. Des pays comme la Suisse ou le Luxembourg y sont très attachés.
Le deuxième élément est l’existence de structures opaques qui permettent très difficilement de remonter jusqu’aux bénéficiaires véritables de ces structures.
Les propositions européennes sont-elles suffisantes?
Plusieurs textes sont en discussion. D’une part, dans le champ de la fiscalité, trois projets de directive sont sur la table: celui sur la directive «épargne», et puis deux textes qui portent sur la coopération administrative ou en matière fiscale.
Sur la directive épargne, nous souscrivons très largement aux propositions du Parlement européen, qui vont dans le sens d’une extension du champ d’application de la directive. Il nous paraît difficile que la question de la sortie de la période transitoire prévue pour l’Autriche, la Belgique et le Luxembourg ne soit pas posée.
[La directive prévoit que les trois Etats appliquent, durant «une période transitoire», une retenue à la source et en partagent les recettes avec l’Etat membre de résidence du bénéficiaire effectif, plutôt que de fournir des informations, ndlr].
Cette évolution est-elle inévitable?
C’est une question que nous posons clairement. Les Belges ont prévu de sortir de cette période transitoire. Mais pour le Luxembourg et l’Autriche, on voit mal comment cette situation pourrait se perpétuer encore très longtemps.
L’un des moyens de lutter contre ces phénomènes est d’avancer beaucoup plus vite sur l’harmonisation fiscale. Si ces problèmes existent, c’est qu’il n’y a pas d’harmonisation européenne, notamment de l’impôt sur le revenu et sur les sociétés.
A l’origine, le but de la directive épargne, initiée par Jacques Delors, était d’essayer précisément d’avancer dans le sens de l’harmonisation fiscale.
Vous vous êtes également penchés sur la régulation...
Dans ce domaine, nous saluons les décisions prises par le Conseil européen (EurActiv.fr, 19/06/2009). Mais à terme, il faudra aller plus loin, en mettant en place des autorités nationales plus fortes en raison de la fragmentation des marchés. Sans cela, il ne pourra y avoir de régulation poussée.
Comment aller vers plus de transparence?
Il faut aller vers l’échange automatique d’informations et le systématiser le plus possible. Pour que les autorités demandent des informations par elles-mêmes, il faut déjà qu’il y ait des indices ou des soupçons. Ce n’est pas très satisfaisant.
Quid du projet de directive sur les fonds alternatifs?
Ce qui nous paraît très choquant, c’est le mécanisme qui permettrait à des gestionnaires de fonds, ou à des fonds situés dans des territoires off-shore de pouvoir obtenir le «label de qualité» [proposé par la Commission en échange d’un enregistrement auprès d’une autorité de régulation, ndlr] et d'intervenir sur l’ensemble du marché européen. De ce point de vue, nous sommes sur la même ligne que le gouvernement français (EurActiv.fr, 07/07/2009).
C’est tout à fait contradictoire. D’un côté, on dit qu’il faut en finir avec les paradis fiscaux, et de l’autre, on est en train d’ouvrir une brèche considérable.
Quelles sont les évolutions possibles sur les marchés de gré à gré?
Il faut beaucoup plus de transparence, en allant vers une normalisation des échanges. Il faut également développer des chambres de compensation à l’échelle européenne.
Quels sont les enjeux du G20 qui aura lieu en septembre?
Nous sommes à la veille d’une échéance absolument cruciale. D’un côté, on sent très bien qu’il y a une volonté certaine de mettre fin à tous les abus que comportent les paradis fiscaux, mais de l'autre, un ensemble de forces ne veut rien changer et revenir aux principes antérieurs.
Le G20 du mois de septembre constituera une fenêtre de tir étroite.
Pour lire l'article sur Euractiv.fr, cliquez ici
Categories: Activités et travaux parlementaires, Actualités, Economie Travail et Emploi, Europe et international, France
DANIEL GARRIGUE