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vendredi 09 avril 2010

Aux dirigeants européens d'assumer enfin l'Europe !

(Tribune Libre de Daniel Garrigue, parue dans "Sud-Ouest" du 3 avril 2010)

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Le Conseil européen des 25 et 26 mars ne constitue en rien une avancée pour l'Europe.

On nous dit qu'on a évité le pire, qui aurait été l'absence d'un accord. Sans doute, mais les dirigeants européens ont surtout montré leur incapacité à assumer l'Europe. Qu'il s'agisse d'assurer sa Défense ou de stabiliser l'euro, comment admettre que l'Europe doive chaque fois, s'en remettre à des organisations qui lui sont extérieures, l'OTAN dans le premier cas, le FMI, même minoritaire, dans le second ?

On nous dit que rien ne se serait fait sans l'accord franco-allemand. Certes. En réalité, cet accord ne consiste pas à bâtir plus d'Europe mais à gérer moins d'Europe. Il ne traduit aucun apaisement des divergences affichées ces dernières semaines. Il couvre seulement une retraite qu'il tente de dissimuler en l'étalant dans la durée.

On nous parle de gouvernement économique. Sans doute, est-ce la première fois que cette expression figure dans un communiqué du Conseil. Mais que recouvre t-elle ? Une adaptation cosmétique de programmes nationaux de réforme ou de programmes de stabilité qui ne sont sérieusement discutés que dans un nombre infime de parlements nationaux ? Une stratégie Europe 2020 qui ne parvient pas à rompre avec les insuffisances de la stratégie de Lisbonne, parce que le seul outil crédible serait en réalité une relance des politiques communes ? Un élargissement des moyens mis à la disposition de l'Union – budget, capacité d'emprunter ? La volonté de se donner, au sein du Conseil, ou au sein de l'Eurogroupe, la capacité de mettre en oeuvre des directives concertées mais contraignantes, dont chacun ne veut en réalité que reculer l'échéance ? Une révision du pacte de stabilité, voulue par l'Allemagne, mais qui pourrait être au moins le prétexte de demander à celle-ci qu'elle accepte de complèter le traité de Maastricht là où il est trop faible, c'est-à-dire la capacité d'imposer des anticipations et des réactions solidaires chaque fois que cela apparaît nécessaire ? La mise en place d'un Fond monétaire européen (FME) dont le ministre allemand des Finances, M. Wolfgang Schaüble, avait lui-même repris la proposition ?

On réaffirme enfin, après les proclamations, jusqu'ici essentiellement médiatiques des deux G20, la nécessité de renforcer les régulations. Mais où en est elle-même l'Union dans les domaines qui dépendent d'elle ? Les discussions sur la directive hedge-funds – acteurs dont on a enfin reconnu tous les dangers avec la crise grecque – sont suspendues jusqu'au lendemain des élections britanniques. La réforme de la directive MIF (Marchés d'instruments financiers) est encore dans les limbes, alors que tout le monde souligne l'urgence de créer une chambre de compensation, au moins dans la zone euro, pour mieux contrôler les transactions sur les dérivés de crédit. L'hypothèse évoquée par les plus sérieux des régulateurs nationaux – suspendre s'il le faut les transactions sur les CDS souverains – n'a semble-t-il, même pas été envisagée lors du dernier Conseil. Quant à l'idée d'une taxe sur les transactions financières – taxe Tobin -, de nouveau évoquée dans le communiqué final du Conseil des 25-26 mars, elle est, dès les jours suivants, écartée au profit d'une taxe sur les risques des banques dont l'inspiration est sensiblement différente.

Dans les moments difficiles, l'Europe avait jusqu'ici souvent montré sa capacité à surmonter les divergences et à les dépasser par des initiatives novatrices – le traité de Lisbonne en a été le dernier exemple. Aujourd'hui, alors que la réactivité et la capacité opérationnelle deviennent primordiales, ils est urgent que les dirigeants européens assument de nouveau l'Europe.