« POURQUOI SOMMES-NOUS TOMBÉS SI BAS ? | Accueil | 23 JUILLET AU 11 SEPTEMBRE 2011 »

mercredi 07 septembre 2011

UNITÉ NATIONALE OU UNITÉ EUROPÉENNE ?

Date de rédaction : 20 Août 2011 - publié dans "La Croix" du 7 septembre 2011

Vouloir imposer, au moment où le libéralisme économique et financier fait la preuve de son échec, une règle d’or des finances publiques qui est l’une des vieilles lunes éculées de l’idéologie libérale, est surréaliste. C’est pourtant ce que prétend faire, dans sa tribune du Figaro du 20 août appelant à l’unité nationale, le Premier Ministre François Fillon.

Son propos est, à tous égards, irrecevable.

Irrecevable, car la règle d’or existe déjà. C’est tout simplement la règle du pacte européen de stabilité et de croissance limitant à 3% du PIB le déficit de chaque Etat -règle que le gouvernement Sarkozy-Fillon s’est appliqué à négliger dès avant la crise financière de 2008. Le vrai problème, dont dépend la crédibilité financière de notre pays, est de revenir en deçà de cette limite, qui reste l’objectif officiel du gouvernement pour 2013. Vouloir substituer à cet horizon, consensuel puisque l’opposition ne le conteste pas, un autre horizon, purement politicien, relève de la simple malhonnêteté intellectuelle.

Irrecevable, car la dégradation de nos finances publiques trouve son origine autant du côté des recettes que de celui des dépenses. La règle du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux, dont se vante M. Fillon, a des effets destructurants sur de nombreuses administrations mais n’est que d’un rapport dérisoire pour l'équilibre des finances publiques. Les cadeaux fiscaux faits aux plus fortunés et aux grands groupes ont été autrement plus déstabilisants. Mais de cela, M. Fillon ne dit mot.

Irrecevable enfin, quand le Premier Ministre prétend que l'émission d'euro-obligations serait prématurée. Certes, celles-ci renchériraient marginalement la charge de notre dette, mais nous ne sauverons pas l’euro sans un minimum de solidarité, et donc de coûts. Ne nous laissons pas gagner par l’idéologie de la Ligue du Nord.

Les réponses sont ailleurs que dans une règle d’or aussi ostentatoire qu’inutile. Ces réponses sont la solidarité et la régulation.

D’abord, la solidarité.

On m’excusera d’accorder, comme beaucoup de Français de tous bords, plus de crédit à Jacques Delors qu’à MM. Sarkozy et Fillon. Dans l’entretien qu’il a accordé au quotidien Le Soir du jeudi 18 août, l’ancien président de la Commission européenne a mis en avant deux propositions.

La première est l’émission d’euro-obligations destinées à financer les investissements d’avenir. On ne voit pas en quoi cette proposition exigerait une intégration européenne plus poussée qu'aujourd'hui.

La seconde, plus ambitieuse, serait de mutualiser les déficits jusqu’à 60 % du PIB – plafond au-delà duquel se situent aujourd’hui la majorité des Etats de la zone euro, y compris l’Allemagne- ce qui donnerait à l’Union européenne une solidarité et une crédibilité organiques incontestables et exigerait, bien sûr, une discipline commune plus forte.

En refusant cette idée, M. Fillon montre à quel point il est timoré. La procédure du semestre européen –qui permet une validation commune des politiques économiques et budgétaires des différents Etats- est engagée depuis cette année. Il suffirait de la muscler un peu pour en faire l’instrument efficace d’un gouvernement économique réclamé à grand bruit, mais occulté quand il faut agir.

D’autre part, la régulation.

L'acceptation par l'Allemagne et le Royaume-Uni du dispositif suisse Rubik montre combien nous sommes loin des proclamations du G20 qui prévoyaient pourtant l’éradication des paradis fiscaux. Accordons un bon point à MM. Sarkozy et Fillon pour avoir jusqu’ici refusé de succomber à cette tentation.

Mais il est clair que, face à la spéculation, il faut renforcer les contrôles.

La taxe sur les transactions financières, qui a pour premier intérêt d’en assurer la traçabilité, exige au-delà de consensus de façade, la définition de modalités précises et surtout d’outils dont beaucoup dépendent de la future directive MIFID sur les marchés financiers.

L’Union Européenne a d’autre part besoin d’autorités de contrôle qui ne soient pas que les instances de coordination des autorités nationales, mais des autorités directes, capables d’identifier et de dissuader les spéculateurs, notamment lorsqu’il s’agit d’établissements bancaires et financiers.

C’est sur ces enjeux que nous aimerions voir la France se battre. L’important n’est pas de faire illusion, mais d’avancer vers des solutions communes efficaces. Si nous n’avons pas la fermeté nécessaire, ce sont l’euro et, au-delà, l’Europe qui voleront en éclats.

Daniel Garrigue, Député non inscrit de la Dordogne