« Daniel Garrigue regrette que la zone euro ne soit pas privilégiée et s'inquiète des risques de déflation, auprès de M. Werner Hoyer, ministre chargé des affaires européennes de la République fédérale d’Allemagne | Accueil | Tribune de Daniel Garrigue, dans le cadre du colloque sur la Palestine - "Politique française, du discours à la pratique ?" - Vendredi 25 juin, au Sénat. »

mardi 15 juin 2010

CRISE EUROPENNE ET PARLEMENTS NATIONAUX

Réussir à concilier exigence européenne et attachement à la souveraineté nationale reste un défi majeur pour la construction européenne. Les réticences très fortes des Etats à toute augmentation du budget européen ou à la création de ressources propres pour l’Union, le refus exprimé par beaucoup d’un contrôle des budgets nationaux par les autorités européennes montrent l’extrême difficulté de ce débat.

La crise, qui est à la fois une crise financière, une crise économique et, en arrière-plan, une crise liée au basculement de l’économie mondiale vers les pays émergents, exige pourtant plus d’Europe et plus d’audace dans ses instruments d’action.

L’Europe a besoin de stratégie. Non pas d’une stratégie abandonnée au bon vouloir des États, comme c’était le cas de la stratégie de Lisbonne, mais d’une stratégie fondée sur des politiques communes conduites ou, au minimum, étroitement coordonnées par l’Union elle-même. C’est ce que l’on aimerait attendre d’Europe 2020 pour la recherche, pour l’industrie, pour l’énergie, pour l’environnement, pour la politique commerciale. Or, pour être significatives, de telles politiques appellent des ressources nouvelles, soit par recours à l’emprunt, ce que l’Europe ne peut pas faire aujourd’hui, soit par création de ressources propres –qu’elles soient fondées sur la TVA, sur un impôt sur les sociétés à l’assiette harmonisée ou sur une taxe carbone européenne encore à inventer.

L’Europe a également besoin de cohérence et donc de gouvernance économique. La définition de la gouvernance économique est on ne peut plus basique. Le Traité de Maastricht a confié la politique monétaire à la Banque Centrale Européenne. Elle a préféré les automatismes du pacte de stabilité à la définition d’une politique budgétaire. La crise vient de montrer que cette dernière est pourtant incontournable, qu’elle soit confiée au Conseil européen ou à un Eurogroupe fonctionnant au niveau des chefs d’Etat ou de Gouvernement si l’on s’en tient, dans un premier temps à la seule zone euro. M. Jean-Claude Juncker avait d’ailleurs fait des propositions en ce sens avant que la crise n’éclate. Le vrai débat consisterait alors à nouer le dialogue nécessaire entre cette autorité et la BCE pour doser les priorités respectives de la stabilité des prix, de la croissance et de l’emploi. Mais le corollaire d’une telle politique serait inévitablement un certain degré de contrôle des budgets nationaux.

C’est là qu’il faut trouver –qu’il s’agisse du droit de lever des ressources propres ou du contrôle des budgets- un instrument de conciliation des légitimités, européenne et nationales, et c’est là que les Parlements nationaux peuvent jouer un rôle neuf et déterminant.

Les Parlements nationaux se sont vu accorder une amorce de reconnaissance européenne dans le traité de Lisbonne. On leur a donné un os à ronger, celui de la subsidiarité. Mais la subsidiarité qui suscitait les passions dans les années 80-90, a perdu beaucoup de son sel dans les années 2000 et, outre son caractère essentiellement négatif pour les Parlements –un simple pouvoir d’empêcher-, elle n’intéresse plus personne aujourd’hui.

Les Parlements nationaux ont des attentes plus hautes, et la chance de l’Europe serait certainement de les associer à l’élaboration du budget européen –ce qui les associerait ainsi au pouvoir de lever l’impôt- et à la coordination des budgets nationaux –ce qui empêcherait celle-ci d’apparaître comme un empiètement insupportable sur leurs compétences.

Des propositions ont été faites, notamment celle du président de la commission des Budgets du Parlement européen, Alain Lamassoure, qui suggère une réunion commune des commissions des budgets et des finances des 27 Parlements nationaux, avec celle du Parlement européen pour un débat commun sur les orientations budgétaires.

Cette proposition est excellente mais il faut aller plus loin.

D’abord, en renforçant sensiblement les moyens de contrôle et l’implication des Parlements nationaux sur les processus européens. Le Bundestag a progressé dans ce sens à la suite de la décision du Tribunal constitutionnel de Karlsruhe. La France a mis en place de véritables commissions des Affaires européennes depuis la réforme constitutionnelle de 2008.

Ensuite, en intégrant dans une procédure commune Parlement européen et Parlements nationaux, aussi bien au stade des débats d’orientation budgétaires (DOB) sur le budget européen et sur les budgets nationaux que lors de la phase finale d’adoption de ces documents. La capacité du Conseil européen ou de l’Eurogroupe à fixer des lignes directrices, l’harmonisation des cadres budgétaires, la concomitance des procédures, le développement d’une culture commune chez les parlementaires spécialisés dans les questions budgétaires et financières, ne constituent pas des ambitions hors de portée.

En inscrivant ce processus dans la durée et, plus encore, dans la progressivité, jusqu’à obtenir sur trois ou quatre ans, un niveau de coordination optimale allant au-delà de la simple définition des soldes budgétaires et tenant compte des interactions européennes éventuelles de certaines mesures nationales –par exemple, la prime à la casse des automobiles.

Sans aller jusqu’à l’institution d’une seconde chambre, la mise en place d’une représentation permanente des Parlements nationaux au sein des institutions européennes, et non pas seulement auprès de celles-ci, contribuerait sans doute, à développer ce processus.

Daniel GARRIGUE, Député non inscrit de la Dordogne.